La méchante humeur qui s’accumulait en lui, depuis plusieurs semaines d’inutile labeur, éclata en fusées de colère et en jurons. Elle avait trouvé, dans les deux loups, des responsables envers qui s’extérioriser et se détendre. Il considéra ce nouvel échec comme le point culminant de sa mauvaise chance et jugea qu’il était inutile de pousser plus outre. Tout était ligué contre lui et il décida à s’en retourner à Red Gold City.
Aussitôt donc qu’il eut fini de déjeuner, Sandy Mac Trigger repoussa à l’eau sa pirogue et s’abandonna au fil du courant. Paresseusement assis sur son banc, comme dans un fauteuil, il sortit sa pipe, la bourra, et commença à fumer, ne se servant de la rame que pour gouverner son frêle esquif. Il avait mis son vieux flingot entre ses genoux. Peut-être, chemin faisant, découvrirait-il, sur l’une ou l’autre rive du fleuve, quelque gibier à tirer.
Vers le milieu de l’après-midi, Kazan et Louve Grise qui avaient, de leur côté, jugé prudent de s’éloigner des appâts empoisonnés et qui, à cet effet, avaient descendu rapidement la vallée pendant cinq ou six milles, eurent soif.
Ils descendirent sur la berge du fleuve qui, à cet endroit, décrivait un coude brusqie. Si le vent avait été favorable ou si Sandy avait ramé, Louve Grise n’eût point manqué de flairer le péril qui s’approchait. Mais le vent soufflait de face et l’embarcation filait silencieusement au fil de l’eau.
Seul le clic ! clic ! métallique du fusil qu’armait Mac Trigger lui fit dresser l’oreille. Instantanément son poil se hérissa et, cessant de laper l’eau fraîche, elle se recula avec précipitation vers les buissons qui bordaient le rivage. Mais Kazan, relevant la tête, demeura sur le sable, afin d’affronter l’ennemi.
Presque aussitôt la pirogue débouchait du coude du fleuve et Sandy pressait sur la gâchette.