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autour de lui la colonie, qui se démenait de droite et de gauche, et nageait affolée dans toutes les directions, sans plus se soucier du chien-loup et de la louve. Un gros castor ayant abordé de leur côté, Kazan, aussitôt suivi de Louve Grise, fut sur lui, en deux bonds. Le combat fut bref et cruel, et les castors virent leur frère rapidement étranglé. Alors, ils se précipitèrent tous vers la rive opposée.

Dent-Brisée, cependant, escorté de ses meilleurs ouvriers, avait plongé dans ce qui restait d’eau à la base de la digue et cherchait la brèche, afin de l’obturer au plus vite. La loutre, sur ces entrefaites, s’était éclipsée.

Le travail à exécuter était difficultueux, car les castors devaient, après les avoir rognées à la dimension convenable, traîner à travers la vase bûches et fascines. Il fallait, en outre, dans cette lutte pour la vie, braver à découvert les crocs de Kazan et de Louve Grise, qui barbotaient dans la boue, s’avançant aussi loin du rivage qu’ils le pouvaient, et qui haletaient de carnage. Cinq autres castors adultes et un bébé castor tombèrent sous leurs coups, au cours de l’après-midi, et furent mis en pièces.

Dent-Brisée réussit enfin à obturer la brèche, l’eau recommença à monter et le massacre prit fin. La grosse loutre, remontant le torrent, s’en était allée à un demi-mille de là, se reposer de sa besogne. Étalée sur une souche, elle se chauffait aux derniers rayons du soleil couchant. Son intention était, dès le lendemain, de redescendre vers la digue et de renouveler sa trouée. C’était sa méthode coutumière et son amusement, à elle..

Mais cet étrange et invisible arbitre du Wild, celui que les Indiens appellent O-se-ki, « l’Esprit », condescendit enfin à jeter un regard de pitié sur Dent-Brisée et sa malheureuse tribu.