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lanternes, Thorpe le trouva qui rampait aux pieds d’Isabelle. Elle ramassa la chaîne.

— Chère amie, dit Thorpe, il est ton chien et lui-même est venu ici se remettre sous ta loi. Mais continuons à être prudents avec lui, car l’air natal peut réveiller sa férocité. Il y a du loup en lui et de l’outlaw[1] Je l’ai vu arracher la main d’un Indien, d’un simple claquement de sa mâchoire, et, d’un coup de dent, trancher la veine jugulaire d’un autre chien. Évidemment, il m’a sauvé la vie… Et pourtant je ne puis avoir confiance en lui. Méfions-nous !

Thorpe n’avait pas achevé que, comme pour lui donner raison, Kazan poussait un grognement de bête féroce, en retroussant ses lèvres et en découvrant ses longs crocs. Le poil de son dos se hérissait.

Déjà Thorpe avait porté la main au revolver qu’il avait à la ceinture. Mais ce n’était pas à lui qu’en voulait Kazan.

Une autre forme venait en effet de sortir de l’ombre et de faire son apparition dans les lumières. C’était Mac Cready, le guide qui devait, du point terminus de la voie ferrée où ils étaient descendus, accompagner Thorpe et sa jeune femme jusqu’au campement de la Rivière Rouge, où le maître de Kazan, son congé terminé, s’en revenait diriger les travaux du chemin de fer transcontinental destiné à relier, à travers le Canada, l’Atlantique au Pacifique[2].

La mâchoire de l’homme était carrée, presque bestiale, et dans ses yeux effrontés, qui dévisageaient

  1. Outlaw, hors-la-loi. On dit couramment que les loups sont les outlaws de la Terre du Nord.
  2. Le transcontinental canadien part, sur l’Atlantique d’Halifax et de la Nouvelle-Écosse, passe au nord du Grand Lac Supérieur, qui marque la frontière entre les États-Unis et le Canada, et, après un parcours de 5.000 kilomètres, aboutit au Pacifique, à la côte de Vancouver.