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que son horreur de l’eau retenait au rivage. Puis il redescendit silencieusement la rive opposée, en se tenant à une centaine de yards du torrent.

Un peu en deçà de la digue, aulnes et saules formaient un épais fourré. Kazan en tira profit. Il put s’avancer sans être vu et s’aplatit sur le sol, prêt à s’élancer dès que l’occasion s’en présenterait.

Pour l’instant, la plupart des membres de la tribu travaillaient dans l’eau, Quatre ou cinq seulement étaient sur la berge. Il allait bondir sur eux quand, au dernier moment, il décida de s’avancer encore un peu vers la digue. Il était bien caché dans son fourré et le vent était pour lui. Le bruit de l’eau, qui jaillissait en cascatelles à travers les claires-voies du barrage, étouffait le son de ses pas.

Le barrage était, sur cette rive, encore inachevé et, à quelques pieds seulement de la berge, Dent-Brisée était en plein travail avec ses ouvriers. Le vieux castor était à ce point affairé, occupé qu’il était à mettre en place un rondin, de la grosseur du bras d’un homme, qu’il ne vit point la tête et les épaules de Kazan surgir des buissons.

Ce fut un autre castor qui, en piquant aussitôt une tête dans l’eau, lança l’avertissement, Dent-Brisée releva la tête et ses yeux rencontrèrent les crocs découverts de Kazan. Il était trop tard. Déjà Kazan, se risquant sur le tronc couché d’un petit bouleau, était sur lui. Ses longs crocs s’enfoncèrent profondément dans le cou de son ennemi.

Mais le vieux compère avait plus d’un tour dans son sac. Se rejetant en arrière, d’un mouvement brusque, il réussit à faire perdre à Kazan l’équilibre. Simultanément, ses dents, tranchantes comme un ciseau, réussissaient une prise solide à la gorge du chien-loup. Mutuellement rivées ainsi l’une à l’autre, les deux bêtes firent dans l’onde un bruyant plongeon.