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l’huile sous le ventre de Kazan et se retrouva bientôt en sûreté dans son élément, avec deux morsures à vif dans sa queue charnue.

Kazan demeura fort estomaqué de l’échec de son attaque et de la fuite de son insaisissable ennemi. Ahuris et épouvantés du spectacle auquel ils venaient d’assister, les bébés castors qui se trouvaient sur la berge étaient demeurés figés sur place. Ils ne se réveillèrent qu’en voyant le chien-loup qui fondait sur eux.

Trois, de cinq qu’ils étaient, eurent le temps de regagner l’eau. Pour les deux autres bébés, il fut trop tard. D’un simple claquement de mâchoires, Kazan brisa le dos de l’un. Il saisit l’autre par la gorge et le secoua en l’air, comme un terrier fait d’un rat.

Louve Grise, qui avait entendu la brève bataille, vint rejoindre son compagnon. Elle renifla les deux tendres petits corps, qui avaient cessé de vivre, et se prit à gémir. Sans doute les deux mignonnes créatures lui rappelaient-elles ses propres petits, ceux que le lynx avait étranglés sur le Sun Rock, et Bari qui s’était enfui, car il y avait dans son gémissement une sorte d’attendrissement maternel.

Mais si Louve Grise avait des visions sentimentales de ce genre, il n’en était pas de même pour Kazan. Le chien-loup s’était montré aussi froidement impitoyable à deux des petites créatures qui avaient envahi son domaine que l’avait fait le lynx pour la première portée de Louve Grise. Ce succès remporté sur ses ennemis excitait davantage encore son désir de tuer. Il côtoyait, en proie à une sorte de frénésie, le bord de l’étang, grognant à l’adresse de l’eau trouble, sous laquelle Dent-Brisée avait disparu.

La tribu entière s’était pareillement réfugiée dans le liquide élément, dont la surface se soulevait au passage de tous ces corps nageant entre deux eaux.