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sa taille et sa force. Son corps épais était long de trois bons pieds et pesait dans les soixante livres. Sa queue plate mesurait cinq pouces de large, sur quatorze de long et, lorsqu’elle frappait l’eau, par une nuit calme, on pouvait, à un mille de distance, entendre la résonance du coup. Ses pattes de derrière, largement palmées, étaient grosses deux fois comme celles de sa femelle et aucun nageur de la colonie ne pouvait lutter de rapidité avec lui,

La nuit qui suivit, tandis que Kazan et Louve Grise continuaient leur course le long du torrent, Dent-Brisée sortit de l’eau, grimpa sur la digue, se secoua et regarda si toute sa smalah était en ligne.

L’eau de l’étang, qui, sous la nuit claire, était toute piquée d’étoiles, se ridait, derrière lui, de corps qui nageaient et qui vinrent le rejoindre sur la digue. Quelques autres castors s’étaient joints à lui et à sa famille, Quand tout le monde fut réuni, le digne patriarche piqua une tête dans le torrent, du côté opposé à l’étang, et les corps soyeux et luisants des émigrants commencèrent à descendre le courant. Les bébés de trois mois nageaient comme leurs parents et avaient grand peine à ne pas se laisser distancer. Dent-Brisée fendait l’eau, le premier, superbement. Derrière lui, venaient les castors adultes. Les mères et les enfants formaient l’arrière-garde. Il y avait quarante têtes au total.

Durant toute la nuit, le voyage se continua sans incident. La grosse loutre, cachée dans un épais bouquet de saules, laissa, sans s’attaquer à elle, passer la caravane.

Par une curieuse prévision de la Nature, qui voit souvent au-delà de notre compréhension humaine, la loutre est la mortelle ennemie de la race des castors et plus redoutable pour elle que ne l’est l’homme même. Mangeuse de poissons, elle veille en même