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Le whiskey-jack, qui jusque-là était demeuré immobile, commença à battre en retraite, en boitant et clopinant, lorsqu’il vit que Bari n’était plus qu’à trois pieds de lui. Mais Bari, dépouillant son indécision, fonça rapidement sur l’oiseau blessé, en jetant un yip aigu et irrité. Il y eut une brève et passionnante poursuite, et les petites dents aiguës du louveteau s’enfouirent dans les plumes.

Alors le bec de l’oiseau se mit à frapper. Le whiskey-jack est l’épouvantail de la menue gent emplumée. Dans la saison des nids, il y tue, de son bec dur, les petits des moineaux des buissons, ceux des oiseaux-des-élans, aux doux yeux, et ceux mêmes de ces sapeurs ailés de la forêt qu’on appelle les piverts.

Le gros geai frappait sans trêve sur le museau de Bari. Mais le fils de Kazan était assez grand pour ne plus rechigner à la bataille, et la douleur qu’il ressentait des coups de bec eut pour seul résultat de lui faire davantage enfoncer ses dents. Celles-ci finirent par trouver la chair et un grognement de joie enfantine en roula dans sa gorge.

La résistance du whiskey-jack, de ce moment-là, commença à faiblir, et bientôt l’oiseau cessa de frapper et de se débattre. Bari desserra son étreinte et se recula légèrement. Il regarda l’oiseau qui gisait devant lui, immobile et hirsute. Le whiskey-jack était mort.

Le louveteau avait gagné sa première bataille et un immense orgueil en naissait en lui. Il n’était plus désormais un parasite du Wild. Il avait fait son début dans le mécanisme implacable de la vie sauvage. Il avait tué.

Une heure après, Louve Grise, qui avait suivi sa piste, le retrouva à la même place. Il n’y avait plus, du gros geai, que des lambeaux ; ses plumes étaient partout éparpillées sur le sol. Quant à Bari, le museau tout sanglant, il s’était, pour se reposer, couché triomphant en face des débris de sa victime.