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pour tout le reste du corps, il tenait de son père.

Il avait de lui les membres trapus et la large poitrine, qui annonçaient sa force future. Ses yeux s’ouvraient largement, avec, aux coins, un peu de rouge. Tous les gens de la forêt savent à quoi s’en tenir quand ils constatent, aux yeux des petits huskies, cette goutte de sang. Elle signifie que la bête est née dans le Wiïd, et que sa mère ou son père ont été pris parmi les hordes sauvages des outlaws du Grand Désert Blanc. Cette tache rouge était spécialement prononcée chez Bari. Elle voulait dire que, quoique demi-chien, il était un vrai fils du Wild, qui avait remis sur lui son emprise.

Quand l’Ilot encerclé d’eau, sur lequel se trouvait le gîte du louveteau, eut été complètement exploré par lui, il songea à passer sur la rive opposée.

Après avoir longtemps observé et côtoyé, toujours en vain, l’eau clapotante qui murmurait sur la berge, devant ses pattes, il se risqua sur l’arbre renversé qui servait de pont à ses parents. Arrivé sans encombre, et sans avoir perdu son équilibre, sur l’autre rive, il lui parut qu’il était soudain transporté dans un monde nouveau. Il hésita encore, quelques instants, puis se mît bravement en route.

Il n’avait pas parcouru plus d’une cinquantaine de yards lorsqu’il entendit près de lui un battement d’aîles. C’était un whiskey-jack, qui se trouvait précisément sur son chemin.

L’oiseau ne pouvait plus voler. Une de ses ailes traînait à terre, brisée sans doute au cours d’un combat avec quelqu’une des petites bêtes de proie du Wild. Il n’en apparut pas moins, tout d’abord, à Bari, comme une des choses vivantes les plus troublantes et les plus excitantes à la fois qu’il y eût. Sur la ligne grisâtre de son dos, le poil ne tarda pas à se hérisser et le louveteau avança vers l’oiseau.