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Un des chiens était surtout formidable. C’était celui qui traînait après lui le trait brisé. Il approcha son nez de celui de Louve Grise et l’en toucha, Kazan jeta, en signe d’avertissement, un cri strident. Le chien recula et, tous deux, par-dessus la tête de la louve aveugle, se montrèrent les crocs. C’était le Défi du Mâle.

Le gros husky était le chef de la bande. Nul autre chien n’avait jamais osé lui résister. Il s’attendait à ce que Kazan, comme les autres, tremblât devant lui et se sauvât, la queue basse.

Il parut étonné de voir qu’il n’en était rien. Kazan, au contraire, était prêt à bondir par-dessus la louve et à engager immédiatement le combat. Le gros husky s’éloigna, grognant et grondant, et déchargea sa colère sur un de ses camarades, qu’il mordit férocement an flânc.

Louve Grise, sans qu’elle en fît rien voir, avait bien compris ce qui se passait. Elle se serra tout contre Kazan, le caressa et tenta de lui persuader qu’ils devaient tous deux s’éloigner. Elle savait, en effet, que pour être différé, le combat n’en était pas moins fatal et elle tremblait pour son compagnon.

La réponse de Kazan fut un roulement de tonnerre qui gronda dans sa gorge. Il lécha les yeux aveugles de Louve Grise et se coucha près d’elle, face à face avec les chiens étrangers.

La lune baissait au ciel et elle finit par disparaître à l’ouest, derrière le faîte des sapins. Puis ce fut au tour des étoiles de pâlir et de s’évanouir peu à peu, pour faire place à l’aube grise et froide du Northland.

Dans cette aube, Kazan vit le gros husky se lever du trou qu’il s’était creusé dans la neige et se diriger vers ce qui restait du corps du vieil élan.

Il fut aussitôt sur ses pattes et s’avança, lui aussi, vers le corps déchiqueté, la tête basse, l’échine hérissée.