corne, s’affaissait sur elle-même. Ses narines saignaient. Mais il demeurait, tout épuisé qu’il fût, puissant encore et une bande de loups aurait, en des circonstances ordinaires, hésité à s’attaquer à lui.
Kazan, n’hésita point. Il bondit, avec un grognement féroce, et planta ses dents dans la peau épaisse de la gorge du colosse. Puis il retomba sur le sol et il se recula d’une vingtaine de pas, pour renouveler immédiatement son attaque.
Le vieil élan, cette fois, réussit à l’enlever sur la large feuille palmée de sa corne unique et, le faisant danser en l’air, le rejeta en arrière, par-dessus sa tête, à moitié assommé.
Mais Louve Grise était, comme toujours, arrivée à la rescousse. Elle avait rampé vers le train de derrière du vieil élan et, malgré sa cécité, avait réussi à happer de ses crocs, tranchants comme des couteaux, le tendon d’une des pattes de leur ennemi.
Le monstre, se débattant, essaya de lui faire lâcher prise, en la secouant et la piétinant sur le sol. Mais elle tint bon. Kazan, durant ce temps, attaqua de flanc et quand enfin le vieil élan fut parvenu à se dégager, ce fut pour s’avouer vaincu en ce second combat et tenter une nouvelle retraite.
Kazan et Louve Grise, sans se risquer inutilement désormais, emboîtèrent le pas derrière lui. À peine pouvait-il se traîner. De sa hanche déchirée et de sa gorge, le sang ruisselait. Et, sur sa patte gauche, dont Louve Grise avait coupé le tendon, il claudiquait horriblement.
Au bout d’un quart d’heure, il s’arrêta derechef. Il releva péniblement sa lourde tête et promena son regard autour de lui. Puis il la laissa retomber. Ce n’était plus le fier seigneur des vastes solitudes, durant vingt ans invincible. Tout son corps s’affaissait, et le défi avait disparu dans ses yeux mornes.