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Le métis abaissa son arme et regarda attentivement.

Pendant ce temps, le regard du zoologiste s’était reporté sur Louve Grise, qui lui faisait face, grondant et découvrant ses crocs, et menaçant de leur morsure l’ennemi qu’elle ne pouvait voir. Là où auraient du être ses yeux, il n’y avait qu’une peau, à demi recouverte de poils. Une exclamation s’échappa des lèvres de Weyman.

— Regarde ! Regarde, Henri ! Juste Ciel, qu’est ceci ! L’un est un chien, qui a rejoint les loups et est retourné à l’état sauvage. L’autre est bien un loup, ou plutôt une louve…

— Et aveugle ! dit, avec une intonation de pitié, Paul Weyman.

Oui, m’sieur ! Aveugle ! répondit le demi-sang, mêlant, dans son étonnement, le français à l’anglais.

Il redressa derechef son fusil. Weyman intervint à nouveau,

— Ne les tue pas, Henri ! je t’en prie. Donne-les-moi, vivants. Fais l’estimation de la valeur du lynx dont ils ont détérioré la peau. Ajoute à cette somme la prime habituelle payée pour les loups. Je paierai le tout. Vivantes, ces deux bêtes sont pour moi d’un prix inestimable. Un chien et une louve aveugle qui ont fait ménage ensemble ! C’est merveilleux, pense donc !

Il maintenait toujours de la main le fusil d’Henri. Henri ne saisissait pas très bien ce que lui disait son interlocuteur et pensait, à part lui, qu’il était un peu timbré.

Mais le zoologiste s’animait de plus en plus, ses yeux flamboyaient.

— Un chien et une louve aveugle, en ménage ! C’est hyper-rare et tout à fait admirable ! Là-bas,