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Un nouveau code de vie s’était établi peu à peu entre Kazan et sa compagne aveugle. Lorsqu’ils cheminaient ensemble, Louve Grise avait appris à ne point le perdre, en se tenant flanc à flanc, épaule à épaule avec lui, et Kazan, de son côté, savait, poux qu’ils demeurassent unis, qu’il ne devait point bondir, mais toujours trotter. Il comprenait aussi qu’il devait choisir un terrain facilement accessible aux pattes de Louve Grise. Et, s’il arrivait à un endroit qu’il fallait franchir d’un bond, il touchait Louve Grise de son museau et poussait de petits cris plaintifs. Alors elle dressait les oreilles et prenait son élan. Mais, comme elle ne pouvait calculer la longueur exacte du saut nécessaire, elle sautait toujours, afin de ne point risquer de tomber à mi-route, plus loin qu’il n’était utile. Ce qui, parfois, présentait aussi ses inconvénients. Ainsi, les deux animaux en étaient arrivés à se comprendre.

Enfin, l’odorat et l’ouïe s’étaient, en compensation de la vue perdue, développés avec plus d’acuité chez Louve Grise. Et toujours Kazan, qui l’avait remarqué, observait sa compagne et s’en référait à elle, s’il s’agissait, soit d’écouter un bruit suspect, soit de humer l’air ou de flairer une piste.

Au moment où la pirogue avait disparu, un instinct plus infaillible que le raisonnement avait dit à Kazan que Jeanne, son bébé et son mari étaient partis pour ne plus revenir. Et cependant, de la tanière où il s’était installé pour l’été, avec Louve-Grise, sous un épais bouquet de sapins et de baumiers, proche du fleuve, il s’obstina, chaque jour, des semaines durant, à venir interroger la cabane.

Impatient, il guettait quelque signe de vie. Mais la porte ne s’ouvrait jamais. Les planches et les petits troncs d’arbres étaient toujours cloués aux volets des fenêtres et, de la cheminée, pas une spirale de