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On arrive donc à cette conclusion que, si la distribution des matières radioactives dans le volume de la Terre est uniforme, le globe terrestre doit éprouver un réchauffement progressif.

Pour éviter cette conclusion, M. Strutt a admis que la teneur en radium est uniforme seulement dans une couche superficielle et que le noyau central ne renferme pas de matières radioactives. On est amené ainsi à assigner à la croûte active une épaisseur de 75km, en tenant compte seulement du radium. Dans cette hypothèse la température du noyau central serait constante, et il est facile de la calculer. En admettant la valeur déjà indiquée pour la conductibilité thermique des roches, on trouve que cette température est d’environ 1500o. Cette température ne parait pas absolument incompatible avec les données déduites des phénomènes volcaniques ; ainsi la température de la lave de l’Etna est environ 1060o. En tenant compte de l’activité du thorium on obtiendrait une température interne d’environ 500o, et l’hypothèse de l’équilibre thermique ne semble plus admissible.

On ne voit, d’ailleurs, a priori, aucune raison pour maintenir cette hypothèse. Le réchauffement de la Terre, en vertu des phénomènes radioactifs, est nécessairement très lent. On peut calculer que, si la Terre est d’abord supposée tout entière à la température ordinaire et que la distribution des matières radioactives soit uniforme, un temps de l’ordre d’un milliard d’années sera nécessaire pour que le gradient actuel soit établi à la surface.

Les considérations précédentes supposent que les phénomènes radioactifs ne sont pas modifiés par les conditions de température et de pression à l’intérieur du globe.

De toute façon il n’est pas douteux que la radioactivité joue un rôle important en ce qui concerne les conditions thermiques de la Terre. Ainsi, on a signalé que les régions particulièrement riches en matière active se distinguent en même temps par une valeur anormale et particulièrement élevée du gradient ; cette observation a été faite pour le tunnel du Simplon dans lequel l’ionisation de l’air présente une valeur élevée[1].

  1. Wulf, Phys. Zeit., 1909.