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217. Ionisation spontanée de l’air. — Indépendamment de toute perturbation apportée par la découverte et le maniement des substances radioactives, l’air atmosphérique possède une conductibilité propre très faible, dont l’existence a été anciennement reconnue par Coulomb. Ce physicien a prouvé que la perte de charge d’une électrode isolée contenue dans un vase clos ne pouvait être entièrement attribuée au défaut d’isolement des supports isolants solides, mais qu’une partie de la perte avait lieu par l’intermédiaire de l’air dans lequel l’électrode est plongée ; cette conclusion résultait de la manière dont varie la perte avec le nombre des supports et le potentiel de l’électrode.

La déperdition par l’intermédiaire de l’air a été étudiée par divers expérimentateurs : Matteucci, Warburg, Linss et autres. Ces recherches ont confirmé l’existence d’une conductibilité spontanée de l’air. La décharge d’un corps électrisé au travers de l’air a lieu en vase clos et à l’air libre. On sait d’ailleurs qu’il existe un champ électrique dans l’atmosphère au voisinage du sol, le sol se comportant le plus souvent comme chargé d’électricité négative ; le champ électrique au voisinage du sol subit des variations qui affectent un caractère périodique avec une période diurne et une période annuelle. La conductibilité de l’atmosphère est nécessairement en relation avec les phénomènes électriques au voisinage du sol.

Des expériences plus récentes faites par M. Geitel[1] et M. Wilson[2] ont montré que la conductibilité spontanée de l’air a le caractère d’une conductibilité ionique ; elle est plus petite en vase clos qu’à l’air libre et augmente avec le volume d’air utilisé ; pour un champ convenable un courant de saturation est atteint, et la part de conductibilité due au gaz ne dépend plus alors du potentiel de l’électrode chargée. La condensation de la vapeur d’eau sursaturée dans l’air à l’état normal a lieu pour la même détente que dans l’air ionisé par les rayons Röntgen. On peut donc admettre que l’air à l’état normal contient toujours un petit nombre d’ions et que ces ions sont de même nature que ceux créés par les rayons Röntgen. La conductibilité spontanée de l’air est diminuée par la présence

  1. Geitel, Phys. Zeit., 1900.
  2. Wilson, Proc. Camb. Soc, 1900.