Page:Curie - Traité de radioactivité, 1910, tome 1.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec des ions de dimensions bien plus grandes, qui peuvent aussi être formés dans le gaz à la température ordinaire. Ainsi qu’il résulte de diverses recherches, la formation de petits ions dans les gaz peut avoir lieu dans d’autres cas encore. Si, par exemple, on fait passer la décharge disruptive sous forme d’une aigrette entre une pointe et un plan, la conduction de l’électricité au travers du gaz se fait par le moyen d’ions formés au voisinage de la pointe, et ces ions sont de même nature que les petits ions définis précédemment[1]. De même, quand une plaque de zinc chargée négativement est éclairée par la lumière ultra-violette, on sait que cette plaque se décharge progressivement en vertu de l’écoulement de son électricité négative qui a lieu dans le champ électrique de la plaque, comme si le gaz qui baigne celle-ci était faiblement conducteur. La conductibilité du gaz est en ce cas unilatérale ; elle a lieu seulement en présence d’une charge négative sur le corps éclairé, tandis qu’en présence d’une charge positive le gaz conserve sa propriété isolante. L’étude de ce phénomène a prouvé que, sous l’action de la lumière ultra-violette, une formation d’ions négatifs seulement a lieu au contact de la surface éclairée ; après avoir été émis par la plaque, les ions sont repoussés par celle-ci, et c’est en cela que consiste le mécanisme de la décharge. La mesure de la mobilité de ces ions négatifs et de leur coefficient de diffusion a prouvé que les ions dont il s’agit ici sont les mêmes que les petits ions créés dans l’air par les rayons Röntgen.

On connaît, au contraire, un certain nombre de cas de conduction à travers les gaz à la température ordinaire, où la conductibilité est également de nature ionique, mais où les ions sont différents de ceux dont nous venons de parler. C’est ainsi qu’en présence du phosphore blanc humide, l’air devient conducteur ; un électroscope chargé se décharge quand on approche de son bouton un fragment de ce corps. La conductibilité du gaz en ce cas est due à la présence de particules chargées dont la mobilité est environ 1000 fois plus petite que celle des petits ions[2]. En vertu de leur faible mobilité, ces particules ne diffusent que très lentement dans les gaz et ne sont pas complètement absorbées quand on fait passer le

  1. Ions, électrons, corpuscules, p. 97, 951.
  2. Ions, électrons, corpuscules, p. 82.