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IONS ET ELECTRONS.

Les ions peuvent être assimilés aux particules d’un gaz qui se trouverait mélangé en proportion très faible au gaz non ionisé. La concentration des ions est en effet toujours très faible par rapport à celle des molécules du gaz non ionisées. L’expérience montre qu’avec nos moyens d’action actuels une concentration en ions de ions de chaque signe par centimètre cube de gaz doit être considérée comme exceptionnellement grande.

Or, d’après les données de la théorie cinétique, le nombre des molécules dans un centimètre cube d’un gaz, dans les conditions normales de température et de pression est environ  ; le nombre des molécules ionisées n’est donc pratiquement qu’une petite fraction du nombre des molécules présentes.

Le coefficient de diffusion des ions dans le gaz qui les contient a été mesuré par M. Townsend pour différents gaz et avec diverses causes ionisantes, entre autres pour les gaz ionisés par les rayons Röntgen et par les substances radioactives[1].

L’expérience consistait à faire passer le gaz ionisé dans une série de tubes étroits dont la paroi absorbe les ions par diffusion. Ces tubes sont montés à l’intérieur d’un tube métallique plus large parallèlement à l’axe de ce dernier et dans la même portion de sa longueur. À la sortie des tubes étroits, on mesure le courant de saturation que l’on peut obtenir entre le tube large et une électrode centrale placée dans son axe. Cette mesure peut être faite en observant la charge que prend progressivement l’électrode quand, après avoir été réunie au sol, elle se trouve isolée et que le tube est porté à un potentiel élevé positif ou négatif ; on peut ainsi mesurer séparément le nombre d’ions positifs et négatifs qui restent dans le gaz après son passage dans la série des tubes étroits. La perte d’ions lors de ce passage est due presque entièrement à la diffusion vers les parois ; toutefois on peut aussi tenir compte de la petite proportion d’ions qui se sont recombinés pendant le trajet.

Pour établir la théorie mathématique du problème, on considère les ions de chaque espèce comme un gaz contenu en très faible proportion dans le gaz non ionisé, et entraîné avec celui-ci dans son mouvement axial le long du tube étroit. Les ions possèdent de plus, en vertu de l’action absorbante de la paroi, un mouvement

  1. Townsend, Phil. Trans., 1899.