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L’intérêt théorique de la nature de la radioactivité s’est trouvé considérablement augmenté après la découverte des substances fortement radioactives qui donnent lieu à un dégagement d’énergie beaucoup plus important que celui observé avec l’uranium. Dans une conférence faite en juin 1900, à Paris, j’ai eu l’occasion de revenir sur les causes possibles des phénomènes radioactifs[1], et à insister sur ce fait que l’on pouvait envisager principalement deux hypothèses fondamentales. L’une était celle d’après laquelle le dégagement d’énergie des substances radioactives était considéré comme incompatible avec les principes de l’énergétique, en particulier avec le principe de Carnot. L’autre hypothèse, prise en considération plus spécialement, était celle d’après laquelle les atomes radioactifs sont en voie de transformation. Voici comment elle était exposée : « La matière radioactive serait de la matière où règne un état de mouvement intérieur violent, de la matière en train de se disloquer. S’il en est ainsi, le radium doit perdre constamment de son poids… En adoptant cette théorie il faut nous résoudre à admettre que la matière radioactive n’est pas dans un état chimique ordinaire ; les atomes n’y sont pas constitués à l’état stable, puisque des particules plus petites que l’atome sont rayonnées, et les sous-atomes sont en mouvement. La matière radioactive éprouve donc une transformation chimique qui est la source de l’énergie rayonnée ; mais ce n’est point une transformation chimique ordinaire, car les transformations chimiques ordinaires laissent l’atome invariable. Dans la matière radioactive, s’il y a quelque chose qui se modifie, c’est forcément l’atome, puisque c’est à l’atome qu’est attachée la radioactivité »[2]

On peut d’ailleurs remarquer que la théorie, d’après laquelle toute production ou destruction de radioactivité est liée à la produc-

  1. Mme Curie, Revue scientifique, 1900.
  2. Ces lignes écrites par moi en 1900, d’accord avec P. Curie, prouvent manifestement que, déjà à cette époque, une théorie de transmutation atomique des éléments radioactifs nous paraissait parfaitement probable. Si P. Curie a continué à envisager aussi la possibilité d’autres interprétations, c’est que la question était encore loin d’être résolue au point de vue expérimental. P. Curie a conservé pendant quelques années, dans ses publications, une forme très générale de la conception des phénomènes radioactifs.