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rayonnement de l’uranium conduisait à se demander quelle pouvait être la source de l’énergie se manifestant dans les effets produits par ce corps, énergie à débit extrêmement minime selon toute évidence, mais dont l’origine restait pourtant mystérieuse. Diverses hypothèses ont alors été proposées comme pouvant fournir une explication du phénomène. J’ai signalé les diverses hypothèses possibles dans un article très ancien sur cette question[1]. Ces hypothèses étaient les suivantes :

1o Le rayonnement est une émission de matière accompagnée d’une perte de poids des substances radioactives.

2o Le rayonnement est accompagné d’une diminution de l’énergie utilisable des substances radioactives. La radioactivité appartiendrait, par exemple, aux éléments à gros poids atomique dont l’évolution ne serait pas encore achevée.

3o Le rayonnement est une émission secondaire provoquée par des rayons analogues aux rayons Röntgen. Ces rayons excitateurs existeraient dans l’espace et ne seraient absorbés que par les éléments à gros poids atomique.

4o Le rayonnement serait produit aux dépens de la chaleur du milieu ambiant, contrairement au principe de Carnot. On aurait là l’exemple d’un mécanisme suffisamment petit pour transformer en travail extérieur la force vive des molécules. Le rayonnement serait, en quelque sorte, le reflet des mouvements non coordonnés des molécules matérielles.


Les hypothèses 1o et 2o sont admises par la théorie de désagrégation des éléments radioactifs. L’hypothèse 3o a donné lieu à quelques expériences de contrôle qui ont été citées au chapitre IV, et dont le résultat n’a pas été favorable à l’hypothèse.

Une hypothèse analogue à 4o a été proposée par M. Crookes qui supposait que l’énergie dégagée par les substances radioactives était empruntée à l’énergie cinétique des molécules du gaz environnant  [2]. Toutefois MM. Elster et Geitel ont trouvé que le rayonnement n’est pas plus intense dans l’air, sous la pression atmosphérique, que dans le meilleur vide qu’ils aient pu obtenir[3].

  1. Mme Curie, Rev. gén. des Sc, 1899.
  2. Crookes, Comptes rendus, 1899.
  3. Elster et Geitel, Wied. Ann., 1898.