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Après la découverte de la radioactivité induite, M. Giesel essaya d’activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en solution avec du radium très actif. Il obtint ainsi du bismuth radioactif[1], et il en conclut que le polonium extrait de la pechblende était probablement du bismuth activé par le voisinage du radium contenu dans la pechblende.

J’ai également préparé du bismuth activé en maintenant le bismuth en dissolution avec un sel radifère très actif[2]. Les difficultés de cette expérience consistent dans les soins extrêmes qu’il faut prendre pour éliminer le radium de la dissolution. Si l’on songe à la quantité infinitésimale de radium qui suffit pour produire dans un gramme de matière une radioactivité très notable, on ne croit jamais avoir assez lavé et purifié le produit activé. Or, chaque purification entraîne une baisse d’activité du produit activé. Les résultats obtenus semblent cependant établir avec certitude que l’activation se produit et persiste après que l’on a séparé le radium. C’est ainsi qu’en fractionnant le nitrate de bismuth activé par précipitation de la solution azotique par l’eau, j’ai trouvé que, après purification très soigneuse, il se fractionne comme le polonium, la partie la plus active étant précipitée en premier. Si la purification est insuffisante, c’est le contraire qui se produit, indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth activé. J’ai obtenu ainsi du bismuth activé pour lequel le sens du fractionnement indiquait une grande pureté et qui était 2000 fois plus actif que l’uranium. Ce bismuth diminue d’activité avec le temps ; cependant certains échantillons conservent leur activité sans diminution sensible pendant plusieurs années.

On peut de même activer du plomb et de l’argent en les laissant en dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivité ainsi obtenue ne diminue guère avec le temps, mais elle ne résiste généralement pas à plusieurs purifications chimiques successives du métal activé.

L’interprétation de ces résultats dans la théorie matérielle de la radioactivité consiste à admettre que le métal n’a acquis en

  1. Giesel, Société de Physique de Berlin, janvier 1900
  2. M. Curie, Thèse de doctorat.