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Tous les minéraux qui se sont montrés radioactifs contiennent de l’uranium ou du thorium ; leur activité n’avait donc rien d’étonnant, mais l’intensité du phénomène pour certains minéraux était inattendue. Ainsi, on trouve des pechblendes (minerais d’oxyde d’urane) qui sont 4 fois plus actives que l’uranium métallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d’urane cristallisé) est 2 fois plus active que l’uranium. L’autunite (phosphate d’urane et de chaux) est aussi active que l’uranium. Ces faits étaient en désaccord avec les résultats relatifs aux corps simples et leurs composés, résultats d’après lesquels aucun minéral n’aurait dû se montrer plus actif que l’uranium ou le thorium.

Pour éclaircir ce point, j’ai préparé de la chalcolite artificielle par le procédé de Debray, en partant de produits purs. Ce procédé consiste à mélanger une dissolution d’azotate d’uranyle avec une dissolution de phosphate de cuivre dans l’acide phosphorique, et à chauffer vers 50° ou 60°. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment dans la liqueur ([1]). La chalcolite ainsi obtenue possède une activité tout à fait normale, étant donnée sa composition ; elle est deux fois et demie moins active que l’uranium.

Il devenait dès lors très probable que si la pechblende, la chalcolite, l’autunite, ont une activité si forte, c’est que ces substances renferment en petite quantité une matière fortement radioactive, différente de l’uranium, du thorium et des corps simples actuellement connus. J’ai pensé que, s’il en était effectivement ainsi, je pouvais espérer extraire cette substance du minerai par les procédés ordinaires de l’analyse chimique.

L’analyse des minéraux ayant d’ailleurs, en général, été faite à 1 ou 2 pour 100 près, on ne pouvait espérer de trouver dans un de ces minéraux un élément nouveau en proportion plus forte que celle-là. En revanche on pouvait penser que la substance nouvelle serait particulièrement intéressante à cause de sa radioactivité qui devait être suffisante pour produire, malgré la faible proportion de matière présente, un effet beaucoup plus important que celui de l’oxyde d’urane contenu dans la pechblende. L’expérience a montré que les prévisions étaient bien au-dessous de la réalité ; au début des recherches qui suivirent nous ne pouvions

  1. Debray, Ana. de Chim. et de Phys., 3e série, t. LXI, p. 445.