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sec, placé entre les plateaux du condensateur de mesures, rend conducteur l’air entre ces plateaux ([1]).

Cependant on ne doit pas considérer ce corps comme radioactif à la façon de l’uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces conditions, s’oxyde et émet des rayons lumineux, tandis que les composés d’uranium et de thorium sont radioactifs sans éprouver aucune modification chimique appréciable par les moyens connus. De plus le phosphore n’est actif ni à l’état de phosphore rouge ni à l’état de combinaison ; la conductibilité qu’il communique à l’air ne possède donc pas le caractère fondamental de constituer une propriété atomique de l’élément phosphore.

L’action du phosphore a été étudiée par de nombreux physiciens ; un travail très complet sur cette question a été publié par M. Bloch ([2]). Il résulte de ces travaux que le phosphore, en s’oxydant en présence de l’air, donne naissance à la production d’ions très peu mobiles qui rendent l’air conducteur et provoquent facilement la condensation de la vapeur d’eau simplement saturante. Ces ions possèdent une masse bien plus considérable que celle des petits ions formés dans les gaz par les rayons Röntgen ou Becquerel ; bien qu’invisibles à la lumière ordinaire quand l’air est sec, ils sont cependant visibles à la forte lumière d’un arc électrique. Leur mobilité est environ 1000 fois plus petite que celle des petits ions, et leur coefficient de recombinaison est également environ 1000 fois plus petit que celui de ces derniers. Quand l’air est humide, ces ions forment des agglomérations encore plus grosses, et l’air contient alors une fumée visible. La production d’ions est liée au phénomène d’oxydation ; elle accompagne donc ici une réaction chimique bien connue.

L’oxydation du phosphore n’est pas la seule réaction chimique qui donne lieu à une production d’ions. D’autres faits du même genre sont actuellement connus. Ainsi le sulfate de quinine qui a été chauffé produit, pendant son refroidissement, la décharge de corps électrisés placés dans son voisinage ([3]). En même temps la substance subit l’hydratation et émet des rayons lumineux.

  1. Elster et Geitel, Wied. Ann., 1890.
  2. Bloch, Thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris.
  3. Le Bon, Comptes rendus, 1900 ; Miss Fanny Cook Gates, Phys. Rev., 1904.