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dition que l’épaisseur en soit suffisamment faible ; en traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de l’électricité.

Ces propriétés des composés d’urane ne sont dues à aucune cause excitatrice connue. Le rayonnement semble spontané ; il ne diminue point d’intensité quand on conserve les composés d’urane dans l’obscurité complète pendant des années ; il ne s’agit donc pas là d’une phosphorescence particulière produite par la lumière.

La spontanéité et la constance du rayonnement uranique se présentaient comme un phénomène physique tout à fait extraordinaire. Becquerel a conservé un morceau d’uranium pendant plusieurs années dans l’obscurité, et il a constaté qu’au bout de ce temps l’action sur la plaque photographique n’avait pas varié sensiblement. MM. Elster et Geitel ont fait une expérience analogue et ont trouvé également que l’action était constante ([1]).

J’ai mesuré l’intensité du rayonnement de l’uranium en utilisant l’action de ce rayonnement sur la conductibilité de l’air. Le dispositif de mesures était celui représenté dans la figure 32. Un plateau métallique recouvert d’une couche d’uranium en poudre était posé sur le plateau du condensateur de mesures, et l’on mesurait au moyen d’un électromètre associé à un quartz piézoélectrique le courant de saturation qui pouvait être obtenu entre les plateaux. Le disque qui portait l’uranium n’était pas conservé dans l’obscurité, cette condition s’étant montrée sans importance d’après les expériences citées précédemment. J’ai obtenu des nombres qui prouvent la constance du rayonnement dans les limites de précision de l’expérience, et pendant un intervalle de quelques années. Des mesures analogues d’une précision plus grande sont poursuivies depuis plus de deux ans sur un disque étalon à oxyde d’urane conservé avec un soin particulier ; l’activité de ce disque est restée constante à moins de 1 pour 100 près depuis août 1907.

On utilise pour ces mesures le rayonnement total de la substance active. La distance des plateaux du condensateur employé est de 3cm. La distance à laquelle se propage dans l’air le groupe le plus important des rayons de l’uranium, (groupe ), est comprise entre 3cm et 4cm ; il serait donc préférable d’employer un conden-

  1. Becquerel, Comptes rendus, t. CXXVIII, p. 771. — Elster et Geitel, Beibl, t. XXI, p. 455.