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PREMIER EFFORT DE L’ÉTAT

d’une deuxième fille, Ève-Denise, dans la modeste maison du boulevard Kellermann, où nous vivions, toujours avec le docteur Curie, ne voyant que des amis peu nombreux.

Notre fille aînée, en grandissant, commençait à devenir une petite compagne pour son père qui s’intéressait beaucoup à son éducation et se promenait volontiers avec elle à ses moments de liberté, surtout aux jours de vacances. Il entretenait avec elle des conversations graves, répondait à toutes ses questions et jouissait du développement progressif de son jeune esprit.

Avec le grand succès de Pierre Curie à l’étranger, son appréciation complète en France, quoique tardive, était enfin venue. Il était à quarante-cinq ans au premier rang des savants de son pays, et pourtant il occupait dans l’enseignement une situation inférieure. Cet état de choses anormal émut l’opinion publique en sa faveur ; sous l’influence de ce courant d’opinion, le recteur de l’Académie de Paris, Liard, demanda au Parlement la création d’une chaire de professeur à la Sorbonne. À l’entrée de l’année scolaire 1904-1905, Pierre Curie était nommé professeur titulaire à la Faculté des sciences de Paris ; un an plus tard il quittait définitivement l’École de physique où son suppléant Paul Langevin prenait sa succession.

Cette nouvelle création n’a pas été sans soulever quelques difficultés ; le projet primitif prévoyait une chaire nouvelle, mais point de laboratoire. Pierre Curie ne croyait pas pouvoir accepter une situation dans laquelle il risquait de perdre les moyens