Ces journées de grand air et de belles visions nous laissaient des impressions profondes que nous aimions évoquer par la suite. Un souvenir radieux nous est resté d’une journée de soleil, où, après une montée longue et pénible, nous traversions la prairie verte et fraîche de l’Aubrac, dans l’air pur des hauts plateaux. Un autre souvenir vivant était celui d’un soir où, attardés au crépuscule dans la gorge de la Truyère, nous avons été particulièrement séduits par un air populaire qui se mourait au loin, venant d’une barque qui descendait au fil de l’eau, et où ayant bien mal prévu nos étapes, nous n’avons pu regagner notre logis avant l’aube ; une rencontre avec des charrettes dont les chevaux prirent peur de nos bicyclettes, nous obligea à couper au travers des champs labourés : nous reprîmes ensuite la route sur le haut plateau, baigné par la lumière irréelle de la lune, tandis que les vaches qui passaient la nuit dans des enclos, venaient gravement nous contempler de leurs grands yeux tranquilles.
La forêt de Compiègne nous a charmés au printemps, par sa tendre verdure et ses tapis, à perte de vue, de pervenches et d’anémones ; à la lisière de la forêt de Fontainebleau, les bords du Loing, chargés de renoncules d’eau, étaient pour Pierre Curie un objet de ravissement. Et nous aimions la mélancolie des côtes de la Bretagne et l’étendue des landes de bruyères et d’ajoncs, jusque vers les pointes du Finistère, semblables à des griffes ou des dents s’enfonçant dans le flot qui toujours les ronge.
Plus tard, ayant notre enfant avec nous, nous avons été amenés à prendre des vacances dans une