confusément quelle force la patrie et l’humanité venaient de perdre.
Curie apportait, dans l’étude des phénomènes physiques, je ne sais quel sens très fin qui, lui faisant deviner les analogies insoupçonnées, lui permettait de s’orienter à travers, un dédale de complexes apparences où d’autres se seraient égarés… Les vrais physiciens, comme Curie, ne regardent ni en dedans d’eux-mêmes, ni à la surface des choses, ils savent voir sous les choses.
Tous ceux qui l’ont connu savent quel était l’agrément et la sûreté de son commerce, quel charme délicat s’exhalait, pour ainsi dire, de sa douce modestie, de sa naïve droiture, de la finesse de son esprit. Toujours prêt à s’effacer devant ses amis ou même devant ses rivaux, il était ce qu’on appelle un « détestable candidat » ; mais, dans notre démocratie, les candidats, c’est ce qui manque le moins.
Qui aurait cru que tant de douceur cachât une âme
intransigeante ? Il ne transigeait pas avec les principes
généreux dont on l’avait nourri, avec l’idéal moral
particulier qu’on lui avait appris à aimer, cet idéal de
sincérité absolue, trop haut, peut-être, pour le monde
où nous vivons. Il ne connaissait pas ces mille petits
accommodements, dont se contente notre faiblesse. Il
ne séparait pas, d’ailleurs, le culte de cet idéal de celui
qu’il rendait à la science, et il nous a montré par un
éclatant exemple quelle haute conception du devoir
peut sortir du simple et pur amour de la vérité. Peu
importe à quel dieu l’on croit ; c’est la foi, ce n’est
pas le dieu qui fait les miracles.
Tout pour le travail, tout pour la science ; voilà le