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Il est fort curieux que les nombreuses tentatives faites dans des conditions très variées, pour obtenir des réactions chimiques avec les émanations, sont restées infructueuses. Pour expliquer ce fait, M. Rutherford admet que les émanations sont des gaz de la famille de l’argon.

Voici encore quelques faits difficiles à interpréter : L’émanation du radium se condense à −100°. Or à −153° on peut, d’après Rutherford, faire passer un courant d’air continu sur l’émanation liquéfiée sans l’entraîner. Cependant la quantité d’émanation condensée doit être bien faible et, s’il existait la moindre tension de vapeur à −153°, l’émanation ne tarderait pas à se vaporiser dans un courant d’air. De plus, la température de condensation par refroidissement devrait être fonction de la quantité d’émanation contenue dans un volume d’air donné, ce qui n’a pas été signalé.

Nous avons trouvé, M. Debierne et moi, que l’émanation passe avec une facilité extrême à travers les trous ou les fissures les plus ténues des corps solides, alors que dans les mêmes conditions les gaz matériels ordinaires ne peuvent circuler qu’avec une très grande lenteur.

M. Rutherford suppose que le radium se détruit spontanément, et que l’émanation est un des produits de sa désagrégation. Nous avons observé, M. Debierne et moi, qu’un sel de radium solide active assez rapidement, par l’émanation qu’il dégage, les parois d’un réservoir rempli d’air qui le renferme. Au contraire, si l’on a fait un vide très parfait dans le réservoir, l’activation ne se produit qu’avec une lenteur extrême ; elle réapparaît d’ailleurs rapidement dès qu’on a laissé rentrer un gaz. Cependant l’émanation se propage bien plus rapidement dans un gaz à très basse pression que dans le même gaz à la pression atmosphérique. On est donc conduit à admettre que dans le vide l’émanation éprouve une difficulté particulière à s’échapper du radium.

Dégagement de gaz par les sels de radium. Production d’hélium. — M. Giesel a remarqué que les solutions de bromure de radium dégagent constamment des gaz. Ces gaz sont formés principalement d’hydrogène et d’oxygène, la proportion relative étant la même que pour l’eau ; ils peuvent donc provenir de la décomposition de l’eau de la solution. Mais MM. Ramsay et Soddy