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PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES DE LA TOURMALINE.

émises avant nous, à formuler la manière de concevoir les phénomènes qui nous semble la plus plausible, nous en suivrons les conséquences, tout en ne nous faisant pas d’illusion sur la fragilité d’un pareil terrain.

L’hypothèse dont, nous sommes partis est qu’entre les faces opposées de deux couches successives existe une différence de tension constante.

La tourmaline étant un corps composé, les diverses parties d’une molécule cristalline peuvent être formées de matières différentes, ce qui expliquerait la différence de tension des extrémités opposées de deux molécules.

Mais il est possible que, la matière étant homogène, la forme seule des molécules donne une raison suffisante pour justifier l’hypothèse ; on peut même dire que l’expérience semble concorder avec cette explication bien plus qu’avec la précédente (les considérations ordinaires n’étant probablement plus applicables aux molécules elles-mêmes).

En effet, les théories cristallographiques, quelles qu’elles soient, sont d’accord pour faire remonter aux molécules mêmes l’origine de la dissymétrie qui se révèle à nous par les particularités des formes cristallines. Or nous avons montré que, pour toutes les substances hémièdres non conductrices étudiées, le sens du dégagement de l’électricité est toujours lié à la forme cristalline, de telle sorte que l’extrémité correspondant à l’angle solide le plus aigu est négative par dilatation. Cette relation constante n’étant probablement pas due au hasard, et les analogies entre la forme de la molécule et la forme hémièdre du cristal étant admises, on est conduit à remarquer que l’extrémité aiguë d’une molécule joue toujours par rapport à la base opposée de la molécule suivante le rôle du zinc par rapport au cuivre dans l’exemple d’analogie que nous avons pris, c’est-à-dire est constamment chargée d’électricité positive. La nature de la matière semble donc ne pas entrer en ligne de compte, et la forme de la molécule paraît avoir l’influence prépondérante.