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PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES DE LA TOURMALINE.

Si l’on recouvre les deux bases d’une longue tourmaline avec deux feuilles d’étain que l’on met en communication avec la terre, et si l’on provoque le dégagement de l’électricité, on n’en peut pas constater latéralement à l’aide d’un anneau métallique en communication avec un électromètre, même quand cet anneau se trouve très près d’une des extrémités du cristal. Au contraire, la quantité d’électricité dégagée sur les bases est toujours la même, que la surface latérale soit recouverte ou non par une feuille d’étain reliée à la terre.

Gaugain, mettant une des bases en communication avec la terre, laissant l’autre isolée, entourait le milieu du cristal d’un fil de platine relié à un électromètre ; il constatait, lors du refroidissement, un dégagement d’électricité de même nom que celle de la base isolée. Cette expérience n’a rien de contradictoire avec ce qui précède ; l’électricité qui se dégage sur la base isolée charge la dernière couche du cristal, et celle-ci joue le rôle de l’armature d’un condensateur dont le cristal est la lame isolante. De l’électricité de même nom se dégage par le fil de platine ; de l’électricité de nom contraire est attirée et condensée, ce qu’il est facile de montrer. Il suffit pour cela, après avoir déchargé le fil de platine et l’avoir relié à l’électromètre, de décharger la base restée isolée jusqu’alors ; l’électricité de nom contraire, qui était condensée, donne à travers le fil de platine une déviation.


II. Les hypothèses sur la polarisation des molécules qui avaient été émises plus ou moins vaguement dès 1825 (Becquerel, Forbes, etc.) peuvent, mieux que celle de Gaugain, rendre compte du phénomène. Telle est, du reste, l’opinion de M. Thomson : comme Forbes autrefois, il suppose que les molécules sont toujours polarisées et qu’une couche d’électricité condensée sur la surface de la tourmaline neutralise leur action extérieure ; la chaleur faisant varier l’état de polarisation, la neutralisation n’a plus lieu.

Notre manière de voir est analogue, car l’idée que les molécules sont polarisées est en parfait accord avec ce fait que l’électricité ne se montre libre que sur les bases. On sait en effet qu’un cylindre formé de molécules uniformément polarisées parallèlement à la génératrice peut être remplacé par deux couches électrisées sur les deux bases.