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de rayonnement deux fois plus faible que celle qu’on aurait eue si le tube était resté constamment à la température ambiante. Mais l’activité du tube augmente ensuite rapidement pendant une demi-heure environ (points de F à G). Les mesures faites ensuite (de G à H) donnent les valeurs que l’on aurait obtenues si le tube était resté constamment à la température ambiante. La droite GH prolongée passe par le point E ; cette droite a la même inclinaison que les droites (1), (2), (3), (4).

Il y a donc, après retour à la température ambiante, une perturbation que l’on peut attribuer à une modification momentanée du rayonnement de l’enveloppe de verre à la suite du refroidissement. Mais ensuite la loi de décroissement ordinaire se rétablit.

On peut admettre que l’énergie qui est contenue dans l’enceinte et qui entretient l’activité des parois décroît en fonction du temps suivant une loi qui est indépendante de la température entre −180° et +450°. J’ai d’ailleurs montré que cette loi est également indépendante des autres conditions très variées dans lesquelles j’ai fait les expériences (nature et pression du gaz, nature des parois, etc.).

L’énergie produite par chaque atome de radium se dissipe par rayonnement ou par conduction de proche en proche dans les corps fluides. Les expériences actuelles montrent que dans les gaz l’énergie transmise de proche en proche est emmagasinée sous une forme spéciale qui se dissipe suivant une loi exponentielle en provoquant la radioactivité des corps matériels.

Pour expliquer les phénomènes de la radioactivité induite et la transmission de l’activité par les courants des gaz, M. Rutherford a admis que le thorium et le radium émettent une émanation radioactive qui provoque la radioactivité des corps sur lesquels elle vient se fixer. C’est cette émanation qui entretient l’activité induite dans une enceinte fermée activée. M. Rutherford semble croire à la nature matérielle de l’émanation et, dans l’un de ses Mémoires les plus récents[1], il considère comme vraisemblable qu’il s’agit d’un gaz de la nature de ceux du groupe de l’argon.

Je pense qu’il n’y a pas actuellement de raisons suffisantes pour admettre l’existence d’une émanation de matière sous sa forme atomique ordinaire. Nous avons antérieurement, M. Debierne et

  1. Philosophical Magazine, t. IV, novembre 1902, p. 566.