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PRÉFACE.

idée préconçue et aimait envisager successivement ou même simultanément diverses possibilités expérimentales. Lors des discussions qui ont eu lieu sur la nature de la radioactivité et bien que nous eûmes les premiers énoncé les diverses hypothèses possibles, il ne se prononça pour aucune d’entre elles tant que cela lui sembla prématuré ; toutefois il n’en repoussait aucune a priori et exécutait des expériences diverses pour contrôler chacune d’elles. Voici comment il s’exprimait dans une Note publiée à cette époque :

« Dans l’étude de phénomènes inconnus on peut faire des hypothèses très générales et avancer pas à pas avec le concours de l’expérience. Cette marche méthodique et sûre est nécessairement lente. On peut, au contraire, faire des hypothèses hardies où l’on précise le mécanisme des phénomènes ; cette manière de procéder a l’avantage de suggérer certaines expériences, et surtout de faciliter le raisonnement en le rendant moins abstrait par l’emploi d’une image. En revanche, on ne peut espérer imaginer ainsi a priori une théorie complexe en accord avec l’expérience. Les hypothèses précises renferment presque à coup sûr une part d’erreur à côté d’une part de vérité. Cette dernière partie, si elle existe, fait seulement partie d’une proposition plus générale à laquelle il faudra revenir un jour. »

Ce passage fait comprendre l’opinion qu’il avait sur les méthodes scientifiques. Les images trop précises de phénomènes peu connus lui apparaissaient avec les caractères d’une approximation trop grossière, et il préférait les éviter. Il s’efforçait de se rapprocher progressivement de la conception correcte ; pour cela il cherchait dans des directions variées et ne reculait devant aucune expérience susceptible d’éclairer la voie.

Les Mémoires d’ensemble publiés par Pierre Curie sont très peu nombreux, je dirai même trop peu nombreux ; c’est