« Vous me donnez pour Mlle Curchod une commission dont je m’acquitterai mal, précisément à cause de mon estime pour elle. Le refroidissement de M. Gibbon me fait mal penser de lui… M. Gibbon n’est point mon homme, je ne puis croire qu’il soit celui de Mlle Curchod. Qui ne sent pas son prix n’est pas digne d’elle ; mais qui l’a pu sentir et s’en détache est un homme à mépriser… »
Quoique Mlle Curchod eût dû éprouver de cette renonciation un certain dépit et une certaine déception, elle ne s’en montra point trop irritée, et quand, plus tard, devenue Mme Necker, elle goûta dans un mariage selon son esprit et selon son cœur tout le bonheur dont elle était si digne, elle pardonna volontiers à Gibbon de lui en avoir laissé la liberté et se plut même à afficher malicieusement sa clémence en le recevant à Paris, dans son salon, et en le rangeant au nombre des courtisans de sa fortune, rôle auquel il se prêta lui-même de très bonne grâce.
Il n’était pas le seul qu’elle eût charmé et sur lequel elle se fût plu, en attendant d’abdiquer en faveur d’un maître, à exercer son empire. Avant de troubler le cerveau de Gibbon, autant qu’il pouvait l’être, elle avait distrait de ses méditations