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rien assuré sinon pour un avenir raisonnablement éloigné ; il l’était peut-être moins en opposant à Modave, qui avait trop promis pour le présent, les résultats nuls de sa première année d’occupation. Pourtant, il est probable qu’avec un peu de persévérance et en faisant les dépenses nécessaires, on aurait pu créer à Fort-Dauphin, dont la situation n’est pas trop malsaine, un établissement durable. Mais le ministre savait-il lui-même ce qu’il voulait faire ? Alors que Modave proposait de créer une colonie de peuplement et d’exploitation, les gens de l’île de France voulaient un établissement de traite. Si l’on désirait vraiment coloniser, il est certain qu’il valait mieux peupler d’abord et exploiter l’île de France elle-même. Mais la plus absurde erreur, c’était de faire payer par l’île de France les frais de cette installation nouvelle, de cette colonie rivale. Pour transformer Madagascar d’après les idées de Modave, il aurait été nécessaire de lui assigner des fonds indépendants ; on ne devait pas subordonner le futur empire à sa modeste voisine ni le nouveau Cortez aux méthodes bureaucratiques de Poivre. Mais encore une fois le ministre savait-il ce qu’il voulait ?

Il n’y eut certainement rien de personnel à Modave dans l’opposition faite à ses projets par Desroches. Poivre avait paru d’abord les approuver ; il changea de sentiment dès qu’il apprécia les dépenses où sa propre caisse se trouvait compromise. Ces deux hommes, l’affaire finie, s’employèrent avec empressement à faire obtenir au colonel tous les dédommagements possibles. Il avait dû restituer aux vendeurs, faute d’avoir pu en payer le prix, les domaines et les esclaves acquis imprudemment en 1765. En 1771, il demandait une pension : or, Desroches le proposa pour le gouvernement de Karical ; Poivre, en même temps, appuyant la démarche de son supérieur, priait qu’on l’autorisât à faire des avances au comte pour l’aider à remettre en état ses terres de l’île de France. Après la chute de Choiseul, Modave, espérant que le nouveau ministre se montrerait plus favorable, lui fit parvenir