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de l’île, d’exploiter ses richesses, d’installer des colons, des cultures et des industries sur ce sol auquel on ne demandait jusqu’alors que de produire du riz, des bœufs et des esclaves. L’honneur d’avoir conçu, comme le faisait Colbert et comme le font les contemporains, la prise de possession de Madagascar, l’ambition d’y fonder la principale et la plus riche de nos colonies dans l’Océan Indien appartient au comte de Modave. C’était un officier qui guerroyait aux Indes depuis 1756. Il avait épousé la fille du gouverneur de Karikal, Porcher de Soulches. Après la prise de Pondichéry, il avait dirigé la résistance des rajahs du Maduré contre les troupes du général Lawrence ; mais la fin de la guerre l’obligea de quitter l’Inde et de se retirer aux îles où se trouvaient réfugiés la plupart des anciens employés de la Compagnie, expulsés du Dékhan. Il y acheta, dès son arrivée, 56 habitations ou plantations et 400 noirs ; mais il n’était pas en mesure de payer tout comptant, et la spéculation peut paraître d’autant plus hardie, que rien, jusqu’alors, dans sa carrière, ne l’avait préparé à ces nouvelles occupations. Il paraît qu’il avait déjà fait un voyage à Madagascar, très probablement sur un des petits vaisseaux qui s’y rendaient pour la traite. Il ne connaissait pourtant que Fort-Dauphin et n’avait sur l’intérieur du pays que des notions très vagues. Il avait lu la relation de Flacourt, dont il invoque sans cesse le témoignage. Il fut député en France, en 1766, par les habitants qui ignoraient encore les décisions prises par le duc de Praslin au sujet de l’administration des îles ; or, il avait, comme il le dit lui-même, « l’honneur d’être connu et même affectionné du duc ». Hardi, aventureux, sa vie tout entière le prouve, il avait sans doute déjà conçu ses projets de colonisation ; peut-être ne se fit-il envoyer en France que pour pouvoir les faire agréer.

Il arriva à Paris en juin 1767, et, d’août à décembre, il fit tenir au ministre plusieurs mémoires où il exposait ses vues : « Je me flatte, disait-il, que Monseigneur est intimement persuadé de la nécessité