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étaient renversés, roulés et souvent noyés par les vagues ; ceux qui arrivaient vivants au vaisseau étaient hissés par les cornes : « Cela, dit un témoin, ne laissait pas de leur nuire. » Poivre, qui était imbu des doctrines commerciales en honneur de son temps, recommandait surtout de ne pas payer les achats en argent, de ne perdre ni le suif, ni les cuirs et aussi de ne pas voler. Au surplus, il désirait être informé de tout ce qui pouvait toucher l’état du pays, des habitants ; il s’inquiétait même des ruines de l’ancien fort français. Il ne paraît pas que sur ce dernier point on lui ait donné satisfaction, mais on lui envoya des esclaves qu’il ne demandait pas, à moins que ce ne fût, pour le prix, une véritable occasion. Nous avons le prix courant de cette espèce de denrée. Une femme de 30 ans environ se payait deux fusils valant 10 francs chacun, 10 livres de poudre revenant à un sol la livre et une bouteille d’eau-de-vie ; mais un homme de 24 ans valait prix moyen 4 fusils, une brasse de toile, un miroir et deux bouteilles d’eau-de-vie.

Poivre se promettait un bien grand succès de la traite qu’il réorganisait, si l’on s’en rapporte à la quantité de marchandises d’échange qu’il demanda en France pour l’année 1768. Il lui fallut 10,000 fusils de Charleville, 100 milliers de poudre, 120 milliers de plomb, 24,000 douzaines de couteaux flamands, 10,000 petits miroirs à 9 francs la douzaine, 300,000 pierres à fusil, 220,000 aiguilles à coudre, 4,000 étuis à aiguilles, 1,500 paires de ciseaux, 60 barriques d’eau-de-vie et de cognac à 60 litres la barrique. Mais il fut trompé dans ses espérances. La Garonne fit trois voyages et ne rapporta que 376 bœufs et 17 esclaves achetés pour le compte de Dumas et du capitaine. Poivre dut encore réclamer en France des grains et des salaisons comme de coutume et l’on eut recours aux voyages à Rodrigue d’où l’on tira cette année-là 5,065 tortues de terre ou de mer.

L’État qui nourrissait 4,500 personnes dépensa, en 1768, 434,484 livres rien que pour le pain et le vin. C’était aussi l’État