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décence ni délicatesse de sentiments, qu’il était perdu de réputation, accablé sous le mépris de la colonie et, pour achever de le décrier, Poivre ajoutait qu’avoir connu Lally, c’était connaître Dumas.

Cependant, une ordonnance royale ayant rendu libre le commerce de Madagascar, Dumas prétendit réserver au roi le trafic de la côte orientale, malgré les protestations d’un certain nombre d’habitants. C’était, disait-il, pour empêcher le prix des esclaves de monter, pour éviter que les particuliers les transportassent au Cap, où les Hollandais les payaient fort cher. Il fallut en passer par la volonté du gouverneur qui se déclarait prêt à répondre de ses actes sur sa tête. Le commerce reprit avec la Grande-Ile, sauf cette restriction. On envoya à Fort-Dauphin, en août 1767, un chef de traite nommé Glemet sans autre objet que d’en tirer des approvisionnements dont on manquait absolument. Nous avons quelques renseignements sur la manière dont cette traite se faisait à cette époque : les commis fixaient eux-mêmes le prix des bœufs et du riz ; un bœuf gras se payait un fusil ; pour deux fusils, on en avait trois moyens ; une génisse et un taureau ne valaient qu’un seul fusil. Les animaux, une fois achetés, étaient chargés sur la flûte la Garonne, qui faisait un service régulier entre Fort-Dauphin et l’île de France et qui mettait un mois environ à ce trajet. On les parquait sur le pont et l’on embarquait pour les nourrir une provision de troncs de bananiers. Il n’est pas étonnant que, dans ces conditions, on en perdît la moitié ; mais on en sacrifiait encore plus lors de l’embarquement, tant l’on s’y prenait mal. Les troupeaux étaient amenés au bord de la mer ; il n’y avait, on le pense bien, ni quais ni chalands, il fallait pourtant les faire arriver jusqu’au navire, mouillé en dehors de la barre. On attachait donc une corde aux cornes des bœufs, on les forçait de se mettre à la nage en les halant derrière une chaloupe : on leur faisait ainsi traverser, bon gré, mal gré, les trois grosses lames qui formaient la barre. Les malheureux animaux