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de la République de Pologne. Le chevalier Desroches paraît avoir été séduit par l’esprit et la faconde de son hôte : « Il est, écrivit-il en France, couvert de blessures dont quelques-unes le défigurent dans son corps et l’embarrassent dans sa marche[1]. Il a conservé malgré cela un grand air de santé et de vigueur ; il est d’une physionomie agréable et qui pétille d’esprit ; mais il est encore plus sage et plus réservé, parlant volontiers, mais ne traitant jamais les choses sur lesquelles il ne veut pas s’expliquer et ne disant que ce qu’il veut dire. Je le crois naturellement fier et impérieux ; mais, quand il a donné sa confiance, il est de la plus grande honnêteté. J’ai lieu de croire qu’il m’a ouvert toute son âme, uniquement parce que je suis l’homme du roi. Depuis qu’il a pris ce parti-là, il paraît devoir faire tous les jours quelque chose pour le chevalier Desroches. Il a effleuré toutes les sciences, et les notions les plus étrangères à son premier état lui ont souvent été utiles dans les événements de sa vie. »

Le portrait physique et moral de Benyowszky ressort trop flatté du crayon qu’en fait le chevalier. Qu’il eût une physionomie agréable et spirituelle, nous n’en pouvons douter ; son portrait, d’après une miniature, figure en tête de l’édition anglaise de ses Mémoires ; il y fut mis par des gens qui le connaissaient personnellement. Son esprit pétille mieux encore dans ses écrits que dans ses yeux et jamais auteur ne poussa plus loin l’imagination. Il saisit sans doute dès l’abord le faible du chevalier Desroches et affecta de lui montrer une confiance qui devait le toucher. Il lui dit en effet de lui-même, de ses aventures passées et de ses projets futurs des choses qui ne furent dites qu’à lui seul, le baron les ayant sans doute oubliées sitôt dites, comme il arrive aux hâbleurs qui ne naissent pas tous, on le sait, sous le soleil de Gascogne. Il est pourtant un trait dont on ne peut qu’admirer la justesse. Benyowszky ne disait

  1. Benyowszky dit lui-même qu’il boitait de la jambe droite, par suite d’une blessure de guerre qui l’avait rendue de quatre pouces plus courte que l’autre.