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comme il l’avait fait naître, d’un simple trait de plume. C’est peut-être même à Canton qu’il prit l’idée du personnage. Parmi ceux qui périrent en cette ville, il y avait une jeune fille âgée de 10 à 12 ans, qu’il fit enterrer dans l’église catholique. Les Anglais prétendirent que c’était une femme, jeune et belle, déguisée en prêtre, et dont on reconnut le sexe en l’ensevelissant. C’est une fable : mais le baron l’a, dans ses Mémoires, développée librement. C’est cette personne inconnue, qui, sous le nom d’Aphanasie, prétendue fille du gouverneur Nilov, joue dans son récit le rôle sentimental d’une nouvelle Héloïse, inférieure sans nul doute à ses devancières.

Benyowszky s’étant donc embarqué avec la plupart de ses compagnons, le voyage jusqu’à l’île de France dura environ trois mois. Si l’on en croit l’abbé Rochon, le capitaine Saint-Hilaire qui commandait le Dauphin ne tarda pas à s’effrayer de l’attitude et des mœurs sauvages de ses passagers. Redoutant un coup de force de leur part, il prit soin de gagner les bonnes grâces du chef en lui rendant les plus grands hommages, moyennant quoi la route se fit sans incident fâcheux. On ne trouve pourtant nulle part trace d’une plainte quelconque faite par le capitaine ; d’ailleurs, la crainte semblait assez peu justifiée. Il aurait été difficile de recommencer sur un vaisseau français l’exploit de Bolsheretzk ; une trentaine de forbans mal armés ne fussent pas venus à bout aussi facilement des 300 matelots du ‘‘Dauphin’’ que des quelques cosaques de Nilov. L’abbé a pris sans doute une boutade de Saint-Hilaire trop au sérieux. Arrivé le 6 mars à Port-Louis, Benyowszky débarqua, entouré d’un nombreux cortège, pour se rendre chez le chevalier Desroches, gouverneur des îles. « Il était comme un général d’armée, dit Rochon, décoré de plusieurs ordres, suivi d’un véritable état-major, dont les riches uniformes annonçaient des officiers d’un grade supérieur. » Il est probable, on l’a vu, que ces uniformes provenaient du pillage de la forteresse ou des magasins du gouvernement russe. Lui-même se présentait sous le titre de général régimentaire