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c’est une case de cinquante pieds sur trente, sans étage, bâtie en palissades et couverte en bardeaux venus depuis trois ans de l’île de France, et entièrement pourris par l’humidité. Ils durent ordinairement douze à quinze ans dans nos îles et sont déjà hors de service à Madagascar. Les palissades qui forment les murailles de cette case sont pourries et une maison bâtie depuis cinquante ans n’aurait pas l’air aussi délabrée que celle que je décris… À cette case ajoutez une cuisine en paille et voilà la ville de la Plaine de Santé tracée sur les différents plans.

De l’autre côté de la rivière sont un bâtiment en paille appelé hôpital et un autre de même espèce, qu’on nomme caserne, en si piteux état que M. le baron nous a conseillé de ne pas nous y transporter. M. de Bellecombe demandait toujours où était la ville, et n’a cessé ses plaisanteries qu’en se couchant. En nous levant, nous n’avons pu découvrir les montagnes couvertes de brouillards… Nous nous sommes rembarqués sur les dix heures… et nous sommes arrivés à Louisbourg après un trajet de quatre heures. La baie d’Antongil et le pays adjacent sont entièrement dévastés et le pays est infiniment plus misérable qu’à Foulpointe. Je me suis assuré que dans aucun temps M. le baron de Benyowszky n’a pu envoyer à l’île de France ni riz ni bœufs, n’en ayant jamais eu assez pour sa subsistance. Son interprète Mayeur en a traité vers le cap d’Ambre cent soixante-huit. C’est l’époque où le troupeau du roi a été le plus nombreux. Et les différentes guerres qui ont dévasté le pays n’ont pas procuré à M. de Benyowszky cinquante bœufs de pillage et ont anéanti toutes les autres ressources de subsistance que ce pays lui procurait…

En causant avec M. de Benyowszky sur le peu d’utilité que la France tirerait du séjour qu’il avait fait ici, il m’a répondu : « Qu’une leçon de deux millions n’était pas chère pour apprendre au ministère qu’on ne pouvait rien faire en petit à Madagascar, mais que si l’on voulait, sur les fonds particuliers, avoir ici une petite marine, lui donner de plus deux millions à dépenser par an et entretenir son corps à six cents hommes (ce qui suppose quatre à cinq cents hommes de recrue par an), il croyait que, dans vingt ans, cette colonie aurait déjà fait de grands progrès. » Je lui ai représenté qu’à quatre mille lieues de la métropole, on ne pouvait choisir, pour s’établir, un pays où cinq hommes sur six meurent dans deux ans, où ce qui reste est faible, convalescent et incapable des travaux militaires ou agricoles. J’aurais pu prendre pour exemple ces quatre-vingts hommes dont aucun