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survenu dans l’état de ces hommes, qui, cinq semaines auparavant, recevaient du gouverneur, alors moins généreux, quelques outils pour se bâtir une cabane, une lance et un mousquet pour chasser l’ours, et qui, maintenant, donnent librement un bal, où ils figurent en des costumes où l’or et la soie étincellent.

Cependant, la conspiration, moins justifiée peut-être contre un geôlier si débonnaire, ne cesse de s’étendre. Il n’est certes pas probable qu’elle ait été préparée de si longue main : formée en décembre, si l’on en croit Benyowszky, elle n’éclata qu’en avril : il paraît difficile de garder secret si longtemps un pareil accord.

Mais notre narrateur se rit de telles objections : pour donner plus d’attrait à sa fable, il y introduit divers incidents, qu’il ne prend pas la peine de concilier entre eux. Attaqué certain jour par deux marchands russes de Bolsheretsk, il tue l’un et blesse l’autre ; sur ce guet-apens, sur ce meurtre, pas d’enquête. Dénoncé au gouverneur par un de ses associés, Pianitsin, il le condamne à mort et le fait exécuter par les autres ; quant à Nilov, au reçu de la lettre accusatrice, ignorant sans doute qu’il y ait un exilé du nom de Pianitsin, il mande un soldat de la garnison, qui porte le même nom. Cet homme ne comprend rien aux questions qu’on lui pose et Nilov ne s’occupe plus de l’affaire. Un autre conjuré, Levantiev, traître comme Pianitsin, est châtié comme lui, sans plus de conséquences pour les assassins ; trois hommes sont morts de mort violente : nul ne s’inquiète d’eux, nul n’a rien soupçonné. C’est ainsi que tout succède aux héros de roman. Le baron, cependant, en février 1771, fait un voyage au cap Lopatka ; il y trace sur la plaine couverte de neige le plan de la ville future de Nilovaga, les limites des domaines où bientôt pousseront des moissons merveilleuses, où viendront pâturer l’innombrables troupeaux. Ainsi, trois ans plus tard, la même invention fertile créera à Madagascar des villes et des arsenaux dont des cartes complaisantes présenteront aux ministres de Louis XV les lignes séduisantes et fantastiques. Nous l’avons vu tout à l’heure mêler