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l’établissement, est jointe cette note : « Il est fort à craindre que l’indépendance où est M. de Benyowszky du commandant de l’île de France, ainsi que de l’intendant, n’influe beaucoup sur l’opinion que ces deux chefs paraissent avoir de l’établissement. »

Cette note, faite directement pour le ministre et venant sans nul doute d’un des principaux commis du département, paraît assez étrange. Comment cet homme peut-il affirmer comme une chose incontestable l’autonomie de Benyowszky ? Comment peut-il accuser le gouverneur et l’intendant de jalousie, quand il devait par ses fonctions mêmes avoir eu connaissance des lettres rédigées ou du moins approuvées par Turgot ? Ne les eût-il pas connues à l’époque où elles furent écrites, elles existaient certainement dans le dossier de l’affaire, alors en mains. Doit-on croire que l’annotateur les ait ignorées ? Ne les a-t-il pas dissimulées par amitié pour Benyowszky ? On aurait, dans cette hypothèse, l’explication de l’incertitude où Sartine fut laissé des dispositions prises par son prédécesseur. Lorsqu’il envoya plus tard des commissaires enquêteurs, il avoua lui-même qu’il ne savait rien de l’affaire. La note dont on vient de parler fut écrite dans les premiers mois de 1775, car il y est dit que Saunier, commandant du Postillon, arrive de Madagascar, et l’on sait que les navires partis vers septembre des îles touchaient à Lorient vers la mi-janvier. Elle permet d’induire que Benyowszky avait, au ministère, un ami qui profita du départ de Turgot pour empêcher l’exécution de ses décisions.

D’autres notes de la même main font ressortir les contradictions entre les lettres du baron et celles de Ternay et marquent qu’on fit appel, probablement pour infirmer les secondes, au témoignage du capitaine Saunier. Il est vraisemblable que celui-ci dut donner des renseignements favorables sur une entreprise à laquelle il participait et qui, d’ailleurs, à l’époque (1774) où il avait quitté Louisbourg, était loin d’être désespérée. Ces lettres de Ternay et de Maillart, qu’il s’agissait d’annihiler, datées de juin 1774, étaient parties