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On avoue aujourd'hui les agissements de toujours. On est presque heureux d'avoir enfin le prétexte d'envahir celle Corée (d'où, cependant, il a bien fallu sortir, refoulé par l'armée japonaise) et de faire trembler la Chine.

Et les apologistes de la politique moscovite s'extasient sur le Transsibérien.

Or, le Transsibérien — qui n'aurait dû être qu'un admirable instrument de progrès pacifique — le Transsibérien est-il une œuvre internationale, utile à tous, comme Suez ou comme, bientôt, Panama ? N'est-il pas seulement, en réalité, une simple route stratégique par où la Russie entraînera chez elle la richesse chinoise et imposera sa suprématie au vieux continent, du Pacifique à l'Atlantique ?

En vain, les plus sages russophiles plaideront-ils au moins les circonstances atténuantes — pour le Japon !

On admet volontiers que la perspective de l'absorption de ce territoire dans l'immense empire des tsars offre un caractère particulièrement alarmant au Japon. On reconnait que la Russie a pris à plusieurs reprises, et solennellement, l'engagement de ne pas annexer la Mandchourie, celui enfin d'y respecter, pendant une occupation partielle et provisoire, la liberté du commerce et les droits des tiers. On convient sans peine qu'il doit y avoir quelque chose de particulièrement exaspérant pour le pays qui s'est vu arracher le fruit de sa victoire en Mandchourie par le quos ego de puissances au premier rang desquelles figurait la Russie, à voir cette même Russie sans souci du grand et sacré principe de l'indépendance et de l'intégrité du Céleste Empire, se tailler un long morceau en pleine Mandchourie.

(Temps, 6 février 1904.)

On ne veut pas admettre que le Japon ait, au même titre que la Russie, les coudées franches.