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journaux doivent démentir le lendemain ce qu’ils an­nonçaient la veille.

Eux-mêmes nous prémunissent contre le danger de croire tout au moins aux premiers télégrammes et surtout — dirai je — aux télégrammes de source russe. C’est, par exemple, le Figaro, où nous pouvions lire ceci, à la veille des hostilités :

Si les télégrammes de Pétersbourg se mettent à être aussi fantaisistes que ceux de Tokio, nous finirons par ne plus rien savoir de ce qui se passe sur le théâtre de la guerre.

Voici en effet qu’un télégramme russe nous annonce que l’amiral Makarof est sorti du port avec 11 navires de son escadre, le 10 de grand matin, et qu’il est revenu le lendemain dans la matinée reprendre son mouillage.

Mais où le télégramme dont nous parlons devient d’une fantaisie excessive, c’est quand il dit que l’escadre russe a exploré la mer Jaune jusqu’en vue de Kousan, par 32° de latitude, c’est-à-dire bien au delà de Weï-Haï-Weï et de Kiau Tchéou, et presque tout près de Shanghaï.

Aussi bien il y a une raison péremptoire qui démontre la fausseté de l’information lancée par cette dépêche russe, et cette raison la voici : de Port-Arthur à Kousan, situé sur la côte de Chine, par 32°, il y a 960 milles, aller et retour. Pour que l’escadre de l’amiral Makarof ait effectué ce raid en vingt-quatre heures, elle aurait dû filer 40 nœuds, et c’est une performance dont les navires, même les plus modernes et les plus rapides, sont incapables.

Russes, amis et alliés, de grâce, ne vous livrez pas à a excentriques informations. Laissez cela à vos ennemis.

Au fond, malgré les chemins de fer, les paquebots et faillite de l’information mili­taire, sensationnelle et véridique ; les malheureux cor­respondants, parqués loin de la côte, sous l’œil jaloux de la police russe, qui verrait volontiers en eux des espions ou des révolutionnaires, sont réduits au silence