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Je suis belle et forte, j’enfante sans souffrir et ma forme reste pure et lisse. C’est pour moi une calme et lente volupté de tenir mon enfant rose dans mes bras et de sentir sa petite bouche téter le bout de mon sein solide, pendant que ses yeux rient et semblent répondre à mon sourire. C’est une volupté calme et lente qui vaut la volupté tumultueuse ressentie sous les caresses de l’amant.

Je sens mon sang monter à ma poitrine et devenir le lait tiède dont se nourrit et grandit mon enfant rose.

Deux de mes doigts blancs pressent le bout de mon sein solide afin qu’il ressorte et que mon enfant puisse, tout en me tétant, me regarder de ses yeux riants et répondre ainsi à mon sourire de ravissement.

Je suis ravie en sentant ma propre substance passer en lui ; je sens mon sang monter à ma poitrine et devenir le lait tiède qui servira à former le corps rose et excellent à baiser de mon enfant.

Je suis belle et forte ; j’ai enfanté sans douleur et ma forme est restée pure et lisse.

Mon amant trouve plus attirants mes seins solides depuis qu’ils ont nourri mon enfant rose ; je ne suis plus, dit-il, la fleur en bouton aux odeurs de verdure, mais désormais la fleur épanouie aux odeurs ambrées et capiteuses.

Mon enfant est assez grand pour jouer parmi les servantes et leur causer de naïves terreurs par ses audaces prophétiques.