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« Le cœur est un esclave dont la chaîne… Le cœur est un esclave qui ne saurait obéir…, etc. »

Puis, après un soupir, j’allais m’asseoir au piano et l’irrésistible Rêverie de Rosellen me valait de délicieux regards de soumission par-dessus l’épaule de la jeune personne versant le thé.

Elle s’appelait Virginie et était châtaine. Ma collection d’acrostiches contenait ce cas particulier sous la forme qu’on va lire :

Vous ne connaissez pas tous nos rêves de fièvre

Indomptable où le feu qui brûle notre lèvre

Rend la vie impossible en ces salons railleurs.

Grâce pourtant à vos regards (j’en suis comme ivre,

Ivre d’azur profond), je me reprends à vivre,

Naïf, aimant les bois. Si nous étions ailleurs,

Il faudrait oublier famille, honneur, patrie,

Et penser que je suis tout cela, ma chérie.

Ces vers, corrigés par mon ami le poète W*** d’après la situation, se prêtaient merveilleusement à mes projets de détournement. Dès que je les eus adroitement glisses dans la main droite de Virginie, la pauvrette fut désormais soumise à ma puissance.

Un soir, en prenant ma tasse de thé, je pressai ses petits doigts par-dessous la soucoupe. Émotion, ou peut-être intention de ma part, la tasse tomba, se cassa sur le coin du piano, et le thé bouillant, sucré,