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rien. Bref, j’ai été amené (comment et pourquoi, je ne sais pas) à entreprendre l’étude scientifique de l’amour.

Je n’ai pas un physique absolument désagréable, je ne suis ni trop grand ni trop petit. et personne n’a jamais affirmé que je fusse brun ou blond. J’ai seulement les yeux un peu petits, pas assez brillants, ce qui me donne un aspect d’hébétude utile dans les sociétés savantes, mais nuisible dans le monde.

De ce monde, d’ailleurs, malgré tant d’efforts méthodiques, je n’ai pas une connaissance bien nette, et c’est un vrai chef-d’œuvre de sang-froid que d’y avoir pu, sans attirer l’attention, poursuivre mon but austère.

Je m’étais dit : Je veux étudier l’amour, non comme les Don Juan, qui s’amusent sans écrire, non comme les littérateurs qui sentimentalisent nuageusement, mais comme les savants sérieux. Pour constater l’effet de la chaleur sur le zinc, on prend une barre de zinc, on la chauffe dans l’eau à une température rigoureusement déterminée au moyen du meilleur thermomètre possible ; on mesure avec précision la longueur de la barre, sa ténacité, sa sonorité, sa capacité calorique, et on en fait autant à une autre température non moins rigoureusement déterminée.

C’est par des procédés aussi exacts que je me proposai (projet remarquable à un âge si tendre - vingt-cinq ans à peine) d’étudier l’amour. Difficile entreprise.