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LE COFFRET DE SANTAL

Je prends des feuilles de papier bien blanc et bien lisse, et des plumes couleur d’ambre qui glissent sur le papier avec des cris d’hirondelles. Je veux donner aux visions inquiètes l’abri du rythme et de la rime.

Mais voilà que sur le papier blanc et lisse, où glissait ma plume en criant comme une hirondelle sur un lac, tombent des fleurs de réséda, de jasmin et d’autres petites fleurs rouges, jaunes et bleues.

C’était Elle, que je n’avais pas vue et qui secouait les bouquets des corbeilles sur la table basse.

Mais les visions s’agitaient toujours et voulaient repartir. Alors, oubliant qu’Elle était là, belle et blanche, j’ai soufflé contre les petites fleurs semées sur le papier et je me suis repris à courir après les visions, qui, sous leurs manteaux de voyageuses, ont des ailes traîtresses.

J’allais en emprisonner une, — sauvage fille au regard vert, — dans une étroite strophe,

Quand Elle est venue s’accouder sur la table basse, à côté de moi, si bien que ses seins irritants caressaient le papier lisse.

Le dernier vers de la strophe restait à souder. C’est