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? — K. Z. W. R. — 13

— Et de faire des bénéfices modestes, mais certains.

— Ce sont là toutes les visites ?

— Oui.

— L’ouvrier est revenu pour le coffre ?

— Non et cela m’ennuie. Je voulais aller luncher le plus tôt possible et je ne pouvais m’en aller laissant le bureau seul avec la porte du coffre ouverte.

— La grille est fermée ?

— Oui, mais quoique très solide, un voleur muni d’outils spéciaux pourrait la forcer.

— Un voleur n’entrerait pas ici en plein jour.

— Je trouve en tous cas plus prudent que l’un de nous reste en permanence tant qu’il sera impossible de fermer complètement la chambre forte.

— Tu as raison. Sais-tu que je regarde maintenant notre coffre presque avec terreur !

— Mon pauvre Jarvis, tu as bien failli être enterré vivant !

— C’est le mot. Je portais sur les bras nos deux grands livres, ce qui m’empêchait, de regarder à mes pieds, je trébuche, je me raccroche maladroitement à la grille qui retombe sur moi et voilà qu’automatiquement la porte se ferme en même temps que la grille ! Je veux frapper de l’intérieur, la grille ne me le permettait pas. Du reste, m’aurait-on entendu ?

— Heureusement que j’avais vu l’accident, le temps de remettre le mot et d’ouvrir, il s’est passé quelques minutes… d’autant que je ne trouvais plus mes clefs…

— J’ai bien failli être asphyxié.

— Le fait est que, lorsque tu es sorti, tu n’en menais pas large…

— Cinq minutes de plus et j’étais mort. La porte ferme tellement hermétiquement que l’air ne peut se renouveler et une demi-heure est plus que suffisante pour que l’asphyxie soit complète ! je n’y suis resté que dix minutes à peine et je respirais déjà difficilement, mes tempes bourdonnaient.

— C’est admirable comme souricière à voleurs !

— Mais dangereux pour le caissier !

— Bah, nous sommes prévenus maintenant, et comme il n’y a que toi et moi qui avons à ouvrir notre coffre, tant pis pour les autres !

— Alors, l’ouvrier ?

— Je l’attendais. Je vais maintenant, profitant de ce que tu es là, passer ma redingote et aller luncher ; cela fait, je reviendrai te relever de faction. Il est midi et demi : je serai là vers une heure et demie. Ton estomac pourra-t-il attendre ?

— Parbleu oui ! Ne te presse pas. J’en ai vu bien d’autres. Je mange à n’importe quelle heure, moi, sans aucune gêne.

— Alors, je me sauve. À tout à l’heure.

Jarvis, resté seul, ouvrit son grand livre qu’il avait été prendre dans la chambre forte, et pendant une vingtaine de minutes, s’absorba dans des calculs qui devaient être compliqués, si l’on en juge par ce fait que pas une fois pendant ce temps il ne leva les yeux.

Son registre refermé, il resta songeur, au point que si quelqu’un l’eût aperçu, il eut été effrayé de la dureté de sa physionomie.

Violemment, il frappa du poing le bois de son bureau :

— Tant pis ! murmura-t-il. Tant pis !