Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cuper de vous, car il savait l’affection paternelle que j’avais pour vous deux, ton frère et toi.

— Tu avais même une préférence pour lui. Avoue-le ?

— Je l’avoue ; peut-être est-ce parce que j’ai été trop faible qu’il a fait tant de bêtises et j’ai sincèrement à me reprocher la vie misérable qu’il doit mener actuellement.

— Tu n’as rien à te reprocher. Combien de fois ne t’ai-je pas entendu donner à Arthur les meilleurs conseils. S’il t’avait écouté…

— Certes, il n’aurait pas, par ses débordements et ses noces ordurières, excité la colère de ton père, il l’a chassé, déshérité, un dollar pour tout héritage…

— Sans compter que je ne puis même l’aider ! Mon père me l’a interdit par testament.

— Tu n’as jamais eu de ses nouvelles ?

— Aucune. Il est sur le continent, je le crois, du moins.

— Pauvre garçon ! Enfin, revenons à des choses moins tristes. Que dit miss Cecil ?

— Elle est venue me recommander d’être exact cet après-midi. Aussi je commençais à faire une tête de ne pas te voir revenir.

— Le grand jour des fiançailles…

— Tu viendras ?

— Naturellement… Rien d’autre à me signaler comme « businesman », cette fois, car miss Cecil n’avait à faire qu’au banquier, et pas à la banque.

— Rien de particulier, non. Un Français, Marius Boulard, celui qui nous a télégraphié de Lisbonne au sujet de la lettre de crédit qu’il avait sur nous et qu’on lui a volée… il est venu.

— Nous payerons ?

— Oui, j’ai à son sujet d’excellentes recommandations.

— Vraiment ?

— Il m’est envoyé par un de mes anciens condisciples, un garçon qui n’a pas trop mal tourné, il est ministre en France.

— C’est bien, cela.

— Bah, pour ce que cela dure là-bas. Enfin il est content, il a profité de sa situation pour épouser une femme riche, voilà le principal.

— Que vient donc faire ce Boulard à Brownsville ?

— Il est chargé d’une enquête sur la police d’ici. Je ne sais pourquoi la police américaine a grande réputation en Europe, il est vrai qu’on n’est jamais satisfait de ce qu’on a… Ce Boulard visitera les pénitenciers. Puis…

— Puis ?

— Voilà, mon ami, le ministre voudrait savoir exactement ce qui se trame dans l’affaire du Mexique.

— C’est bien simple : l’intervention.

— Je sais bien, mais quand celle-ci se produira-t-elle ?

— On n’attend qu’un prétexte.

— Comment sais-tu ?

— Ce sont les bruits qui couraient en Bourse hier.

— Alors, les « Juan Cassiano » vont monter ?

— Peut-être. Les Anglais vont essayer une rafle des actions.

— En avons-nous en portefeuille ?

— Quelques-unes. Veux-tu nous porter acheteurs ?

— Toute réflexion faite, non. Le jeu, pour notre compte, me fait peur.

— Tu as raison ! Contentons-nous d’exécuter les ordres de nos clients.