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? — K. Z. W. R. — 13

Chapitre II

LE FONDÉ DE POUVOIR JARVIS


L’homme à qui Georges Weld s’adressait pouvait avoir cinquante-sept ou cinquante-huit ans.

Il réalisait le type de l’Américain âgé que nous rencontrons dans les Palace et les musées de la vieille Europe : chevelure blanche, lunettes d’or cachant la vivacité des yeux, visage rasé de près, taille au-dessus de la moyenne.

Habillé de vêtements larges, il avait cette sorte d’élégance sobre de ceux qui portent toujours des vêtements d’une coupe identique et qui ne « s’endimanchent » jamais.

Très soigné de sa personne, mais affectant beaucoup de laisser-aller dans sa mise et dans son maintien, il était, dès la première vue, excessivement sympathique.

Weld devait lui porter une réelle affection, car ce fut avec presque de la déférence qu’il dit :

— J’étais vraiment ennuyé de ce que ton absence se prolongeât aussi longtemps.

— Ce n’est pas ma faute si j’ai tardé, j’aurais voulu voir Obrig absolument ce matin et je l’ai attendu, sans succès, du reste. Alors, en désespoir de cause, je lui ai laissé un mot le priant de m’attendre lundi à dix heures et je suis revenu.

— Je te remercie.

— Il est venu beaucoup de monde ce matin ?

— Miss Cecil…

— Et tu n’as pas été heureux de ne pas trouver entre ta fiancée et toi ce vieux gêneur de Jarvis ?

— Tu es injuste, tu ne me gênes jamais. Quant à ma fiancée, elle sait tout ce que je te dois.

— Ce que tu me dois…

— Certainement. Si j’ai pu succéder ici à mon père, c’est à toi que je le dois, oui, oui, si tu avais voulu, c’est toi qui aurais été nommé directeur de la banque A.-G. Weld.

— Si j’avais agi ainsi, j’aurais été un ingrat. Il m’eut fallu oublier que c’est grâce à ton père qu’il y a quinze ans j’ai évité la banqueroute. C’est lui qui m’a aidé à solder mon passif et à étouffer des histoires, disons malheureuses : c’est lui encore qui m’a permis de me créer une situation en me recueillant ici.

— Mais cette dette-là, tu l’avais déjà payée vis-à-vis de moi… car c’est toi vraiment qui m’as élevé…

— Ta mère était morte depuis cinq ans déjà, ton père ne pensait qu’aux affaires, il m’a laissé le soin de m’oc-