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Cet énorme coffre d’acier reposait sur un massif en matériaux incombustibles et défiant l’incendie le plus violent.

C’était la première fois que Marius était mis à même de contempler l’un de ces modernes produits de l’industrie métallurgique, et il ne put s’empêcher d’exprimer son étonnement ; aussi répondant à la phrase du banquier :

— Je crois cependant que les voleurs trouveraient à qui parler ! s’écria-t-il.

— Sait-on jamais. C’est le duel fameux de la cuirasse et du boulet. Le boulet, c’est le cambrioleur, avec tous ses appareils toujours plus perfectionnés : la dynamite qui déchire, la lampe oxhydrique qui fond le métal ! Je crois bien que notre chambre est actuellement à l’abri de toute effraction, quelque savante qu’elle puisse être, mais demain on trouvera peut-être le moyen de percer ces plaques d’acier, de briser cette porte.

— En tous cas, il faudra y mettre le temps !

— Le constructeur m’a affirmé que si, par un accident quelconque, la porte ne pouvait s’ouvrir, soit par la perte des clefs, soit par l’oubli du mot, il faudrait au moins vingt jours pour en venir à bout.

— Et si le mécanisme se faussait ?

— Impossible ! L’ensemble du mécanisme est si bien compris, si délicat, qu’il n’a nul besoin d’être huilé, au contraire ! Vous voyez du reste que je manœuvre cette masse énorme en la poussant avec un doigt. En ce moment je viens de mettre une lampe électrique à l’intérieur de la chambre et le travail n’est pas achevé, c’est pour cela que la porte n’était que poussée, car l’ouvrier va revenir ; mais regardez ce chef-d’œuvre de serrurerie, d’horlogerie plutôt ; si je pousse la porte de façon à la fermer, tout le mécanisme se déclanche et les boutons des lettres jouent d’eux-mêmes. Et pour la rouvrir il faut non seulement savoir le mot, mais le nombre des crans auxquels la clef a été arrêtée avant le tour définitif qui fait jouer le pêne dormant, presque inutile, du reste.

— Quel malandrin pourrait voler le contenu d’un coffre pareil !

— C’est que le contenu est important, et je suis ramené tout naturellement à la confidence que j’allais vous faire quand la vue de cet engin de protection, c’est le cas de le dire, vous a étonné. Il y a dans ce coffre, dans cette chambre, dix-huit millions, sans compter les valeurs de ma banque.

— Dix-huit millions !

— En billets de banque, or, argent et monnaie divisionnaire.

— Et vous avez toujours pareille somme en caisse ?

— Non, ce sont là les fonds que j’aurais à verser aux officiers payeurs de l’armée et de la marine pour parfaire les cinq premiers jours de la solde de campagne si l’intervention était décidée. Je serai donc prévenu le premier de la décision du gouvernement et c’est ce qui me permettra de vous mettre au courant quelques heures avant que qui que ce soit puisse être averti

— Je ne sais comment vous remercier.

— Ne me remerciez pas, je fais cela en connaissance de cause, pour rendre service à mes amis de France et parce que je sais que je serai approuvé par nos gouvernants.

— Vous me permettrez de venir tous les jours aux nouvelles ?

— Je vous en prie. J’y serai toujours pour vous de cinq heures à six heu-